(pour le podcast, c’est par ici)
Dans notre passage en revue des 3 valeurs clés d’Atavik, on parle aujourd’hui de la loyauté.
Dans mon précédent article je t’expliquais les applications concrètes de notre première valeur, « la qualité produit passe avant tout ». Loin d’être un voeu pieux, c’est une valeur qui a des implications extrêmement simples et pratiques au quotidien.
Il en va de même pour la deuxième valeur de l’entreprise, qui est la loyauté.
Si le dictionnaire définit la loyauté comme « l’obéissance aux lois de l’honneur et de la probité », on est toujours dans quelque chose d’un peu abstrait. C’est quoi « les lois de l’honneur » ? Elles sont écrites quelque part ? Il y a un Code Civil, un Code Pénal, un Code de la Consommation, un Code du Travail… mais point de code d’honneur. On n’est pas chez les Samouraï.
Chez Atavik, on a fait la démarche inverse : on a d’abord exprimé l’idée, ensuite on a mis un mot dessus. Et l’idée maîtresse, c’est qu’on ne prend personne en traître. Le mot qui nous a semblé le plus fidèle à cette idée, c’est « loyauté ». Tu sais, comme chez les chevaliers ou les mousquetaires : on ne frappe pas dans le dos.
En y réfléchissant en commun on s’est rendu compte à quel point c’est un principe multi-directionnel chez nous : clients, fournisseurs, prestataires, salariés, financeurs, et finalement toute autre partie prenante potentielle.
La loyauté vis-à-vis des clients
C’est souvent la première à laquelle on pense. Concrètement, cela implique :
- un maximum de transparence sur nos produits : de quoi ils sont faits, comment ils sont faits, pourquoi, etc
- des réponses à toutes les questions de nos clients, sur le pourquoi et le comment de toute chose. Pourquoi on ne fait pas certaines choses, aussi.
- se montrer comme on est : montrer l’équipe, qui est derrière quoi, d’où l’on vient, pourquoi on fait ce métier-là
- expliquer ce qui va se passer, ce qu’on va faire ou pas faire. On est le moins possible en mode « fait accompli ».
On ne convainc pas à chaque fois, bien sûr. Mais tant pis. Le but premier n’est pas de chercher à convaincre, mais d’être loyal, donc authentique. Cela peut paraître une distinction subtile mais elle est capitale. Si mon but premier est de te convaincre, je vais chercher à te présenter les choses d’une certaine manière qui devrait te plaire. Je vais taire les aspects qui vont te déplaire. Je vais faire tendre dans la même direction tout ce qui peut emporter ton adhésion.
Notre obsession est l’authenticité, condition indispensable de la loyauté. On donne notre explication, notre conviction. On n’en a pas d’autre. Ce n’est pas une conviction « de circonstance », mais une conviction profonde. On se montre comme on est.
Et c’est là que la magie opère. Si tu es sensible à nos explications, à qui nous sommes, à l’authenticité dont nous faisons preuve, alors tu seras convaincu. Tu seras exactement le type de client avec lequel nous avons vocation à nous entendre. Si tu es un client professionnel qui choisit de référencer nos produits chez toi, tu le feras en pleine conviction. Tu n’en seras que meilleur au moment de rencontrer tes propres clients.
Inversement, si tu es venu chercher un discours purement commercial, la validation de tes préjugés, une instruction à charge contre un concurrent, ou des habiletés de langage, nous ne te convaincrons pas. Et c’est tant mieux. Tu iras ailleurs. Pour nous, c’est parfait ainsi. Aucune envie qu’un revendeur convaincu par du blabla, entourloupe chaque semaine des dizaines de personnes par le même blabla. Parce que nous travaillons dans un domaine où les produits de qualité médiocre se voient assez vite. Nous n’avons aucun intérêt à construire notre entreprise sur de faux espoirs et des attentes déçues, aucun intérêt à nous rendre complices du bullshit.
La loyauté vis-à-vis des fournisseurs et prestataires
On exprime en frontal nos sentiments. On n’est pas content des produits ? On le dit au fournisseur. C’est facile et évident, tu vas me dire.
Mais là où ça l’est moins, c’est que quand on est content des produits, on le dit aussi. C’est là que je vois certains sourcils se froncer, généralement. « Tu dis à ton fournisseur que tu es content des produits ? Mais malheureux, il ne faut jamais faire ça ! Il va augmenter ses tarifs, il va s’endormir sur ses lauriers, il va en profiter pour te faire accepter n’importe quelle condition désavantageuse, etc. »
Comme expliqué dans mon précédent article sur la qualité, c’est en disant à mon fournisseur que je suis content du produit que je l’incite à ne rien changer à ce qu’il fait, à poursuivre ses efforts pour maintenir cette qualité. Je lui dis les yeux dans les yeux que c’est cette qualité qui me fait rester chez lui. Pas son tarif, par exemple.
Si je lui dis que c’est son tarif qui me fait rester, il fera tout pour maintenir son tarif. Et quand ses matières premières augmenteront, il franchira les lignes jaunes pour maintenir ses marges sans toucher au tarif. Et il ira chercher des matières premières moins cher, moins bonnes. Et je me retrouverai avec un produit moins bon.
Dans d’autres jobs par le passé j’ai eu l’occasion de rencontrer des acheteurs dont le couplet permanent était de se plaindre des produits, en préambule de chaque conversation. Une technique (mauvaise) à laquelle ils avaient un jour été formés, sans doute. En mode « estimez-vous déjà heureux que je sois là à vous parler, parce que vos produits ne sont quand même pas terribles ». Je trouve ça d’un pathétique absolu. On est censé faire quoi, en tant que fournisseur face à ça ? Baisser nos prix pour faire passer la pilule d’un produit pas terrible ? Donner notre chemise en conditions favorables diverses en suppliant l’acheteur de bien vouloir quand même nous garder ? C’est ridicule.
Si mes produits ne te donnent pas satisfaction alors que j’y ai consacré mon meilleur effort, j’en prends note et la discussion s’arrête là. Je te souhaite une excellente continuation, car la seule chose qui m’importe c’est que tu trouves enfin le produit parfait pour tes animaux ou pour ceux de tes clients. Si manifestement selon toi je n’ai pas ce produit, je n’ai pas le droit de te faire perdre une seconde de plus dans ta quête du bon produit.
On exprime donc notre satisfaction. On exprime aussi notre mécontentement, nos réserves, nos projets. Le but est d’éclairer leurs décisions. Cela signifie donc qu’on mise sur leur intelligence. Avec tout ce qu’on leur a dit, ils devraient normalement pouvoir décider de faire ci ou plutôt ça. C’est souvent le cas.
Parfois non. Il arrive qu’on soit déçu en misant sur l’intelligence d’un interlocuteur.
Mais on n’arrête jamais de miser dessus pour autant. On ne sait pas faire autrement. Miser sur la bêtise ou la malhonnêteté d’un fournisseur n’est jamais un bon calcul. Si à la base je pense qu’un fournisseur est idiot ou malhonnête, je commence par ne pas travailler avec lui. En plus, c’est épuisant de devoir se méfier de lui en permanence. A moyen ou long terme, il n’en sort jamais rien de bon.
Par contraste, on en déduit donc immédiatement le « deal-breaker » absolu, le truc rédhibitoire : quand cette loyauté cesse d’être bilatérale. Tout simplement parce que si l’on ne sent pas en face la réciprocité de cette loyauté, c’est qu’on a affaire à une incompatibilité de valeurs, une incompatibilité de culture d’entreprise. On est pire que « différents ». On est « incompatibles ». On est « irréconciliables ».
Et donc, tenir à cette valeur qu’est la loyauté et vouloir qu’elle soit bilatérale, clarifie et simplifie énormément de situations.
La loyauté vis-à-vis des collaborateurs
C’est évidemment le premier axe de loyauté dont te parleront tes collaborateurs 🙂 C’est un principe auquel ils sont très attachés. Cela passe par :
- un maximum de transparence sur les choix stratégiques : pourquoi tel choix plutôt qu’un autre. Quand j’en parle avec d’autres dirigeants, j’entends parfois « je n’ai pas à me justifier ». Il y a un monde d’écart entre la posture « je me justifie » et la posture « j’explique« . Il est par ailleurs évident qu’il est beaucoup plus difficile de générer de l’adhésion à un choix quand celui-ci n’a pas été expliqué. Quand tes collaborateurs ne comprennent pas pourquoi tu as pris une décision, ils ne s’en tiendront pas à cette incompréhension. Ils s’imagineront 1001 raisons à ton choix. Et ce qu’ils imaginent est en général bien plus déplaisant que la véritable raison. Autant la donner !
- réaffirmer sans cesse la vision et la réexpliquer autant de fois que nécessaire : explications en groupe, explications individuelles, par mail, par webcam, en face-à-face, au téléphone… autant de fois que nécessaire et selon tout format qui permet d’être compris au final. D’autant que s’agissant de la vision, il n’y a pas vraiment de « final » : on ne doit jamais arrêter de la transmettre aux collaborateurs. Parfois la première explication dans sa première forme est comprise. Parfois il faut s’y reprendre à plusieurs fois et varier les supports. Avec le temps on apprend « sur le tas » quelle méthode est préférable avec qui. Quand il s’agit d’être compris, la fin justifie les moyens.
- de la clarté sur la manière dont leur travail est évalué, récompensé, sanctionné… et faire en sorte que les collaborateurs aient les moyens d’agir dessus. Les entretiens individuels, par exemple, se font sur une trame communiquée bien à l’avance, pour que chacun puisse s’y préparer. Comme je suis maintenant géographiquement éloigné d’eux 80% du temps, ils ont deux entretiens à quelques jours d’intervalle : l’un avec la Responsable des Opérations qui les voit tous les jours, l’autre avec moi. Le total fait en moyenne 5 heures d’entretien. Du temps, du recul, des interlocuteurs capables de parler à la fois du quotidien et de se projeter, des questions précises : ce sont pour moi les ingrédients qui permettent à chaque fois de comprendre en profondeur l’état d’esprit de nos collaborateurs, de faire sortir toutes leurs questions, leurs craintes, leurs incompréhensions, leurs motivations profondes, etc. J’estime qu’on leur doit cette qualité d’entretien. La loyauté l’impose.
- des consultations sincères : quand on les consulte sur un sujet, on est prêt à prendre en compte leur avis. Cela ne signifie pas qu’ils tranchent sur tout, mais que leur avis sera entendu dès lors qu’il leur sera demandé.
- leur donner les moyens de travailler : « vous devez faire deux fois plus avec moitié moins, le tout pour avant-hier », on connaît tous ça. Pour démotiver les gens instantanément en un temps record, on ne fait pas mieux. On consacre donc beaucoup de temps à réfléchir à ce qu’il est raisonnable de demander, et à ce qu’il faut donner comme moyens pour y parvenir. Bien sûr qu’on challenge aussi les gens. Mais ce challenge est d’autant mieux accepté qu’on met des moyens en face.
Et quand on déroge nous-mêmes à la loyauté envers les collaborateurs, il se passe quoi ?
Les valeurs sont un guide permanent. Cela ne veut pas dire qu’il ne nous arrive pas de nous en écarter. On veut parfois aller trop vite. Il arrive aussi qu’on ne voie tout simplement pas tout de suite les conséquences de telle ou telle décision sur les collaborateurs. Nul n’est parfait !
Ce que des valeurs claires permettent, c’est de se rendre compte tout de suite qu’on a eu un comportement ou pris une décision par raccord avec le fil conducteur.
Par exemple, quand les salariés sont 100% attachés aux valeurs, ils te font tout de suite remarquer l’écart. Tu peux corriger le tir d’autant plus vite. Inversement, dans une entreprise qui n’affiche pas explicitement ses valeurs, la remontée du mécontentement est beaucoup plus longue. Les collaborateurs sont choqués par des choses extrêmement variables car il n’y a pas de consensus autour de marqueurs clairs. Ils laissent passer des comportements qui devraient normalement être inacceptables, ce qui signifie qu’ils adoptent eux-mêmes des comportements inacceptables et ne se rendent pas forcément bien compte.
Donc, l’un des grands mérites d’un consensus autour de valeurs claires, c’est que tes collaborateurs ont des réactions franches quand on s’en écarte. C’est comme un voyant qui s’allume sur un tableau de bord.
Est-ce qu’il m’est arrivé de trouver excessives certaines de leurs réactions ? Oui, absolument. Il m’est arrivé de lever les yeux au ciel en me disant « quand même, sur ce truc-là, il n’y a pas de quoi en faire un plat ». C’est humain. Ceci étant, dans la seconde qui suit, je me rappelle que j’ai voulu ce système de valeurs pour guider nos actions. Toutes nos actions, tout le temps. Et qu’il faut au contraire se féliciter que ces valeurs servent de garde-fou. Dans tout ressenti, même exprimé de manière excessive, il y a une vérité au départ. Donc, en tant que dirigeant, encaisser l’ensemble de la réaction y compris sa dimension excessive fait partie du deal. A toi de faire le tri ensuite entre l’excès sur la forme, et la vérité du fond. A la seconde où tes collaborateurs ont le sentiment que tu te focalises sur la forme en oubliant le fond de leur remarque, tu entreras en conflit avec eux. Et ça, c’est dans le meilleur des cas.
Dans le pire des cas, ils cesseront de te faire remonter leurs remarques. Mais comme ils n’en penseront pas moins pour autant, tu te retrouveras avec un angle mort énorme. C’est comme ça qu’un jour ils te posent leur démission sur le bureau et que tu tombes de l’armoire. Ils ont peut-être essayé 10 fois de te témoigner leur mécontentement, mais tu as tout balayé d’un revers de main au motif que la forme était un peu excessive. Parfois même, ils auront essayé seulement 1 ou 2 fois. Ta réaction à l’emporte-pièce leur aura suffi à décider qu’il vaut mieux ne rien te dire.
Les valeurs posent un cadre. Quand tu demandes que ce cadre soit appliqué, attends-toi à être pris au pied de la lettre. Les cadres sont faits pour ça.
La loyauté vis-à-vis de l’extérieur
Ce blog en lui-même est un exercice de loyauté permanent. Il est consultable par quiconque croise mon nom ou celui de ma marque quelque part. Par tout mon entourage, mes clients, mes fournisseurs. Par mes salariés et par toute personne qui pourrait postuler chez nous. Par des financeurs aussi.
Et ici comme ailleurs, je ne prends personne en traître. Mes propos sont le reflet de ma pensée et de la manière dont je fais mon travail tous les jours. Je n’ai aucun regret sur la manière dont ce que je raconte ici est perçu tout simplement parce que je n’ai pas d’autre vérité que celle que je raconte ici au fil de mes articles, podcasts et vidéos. What you see is what you get, comme disent les anglo-saxons.
Si les propos tenus ici font faire demi-tour à quelqu’un, cela ne me pose aucun souci. C’est sans doute que nous ne sommes pas compatibles et mieux vaut pour chacun que l’on s’en rende compte le plus vite possible.
Si au contraire ce que je raconte ici « parle » à quelqu’un, qu’il s’y reconnaît, qu’elle y reconnait sa façon de voir les choses, les valeurs qu’elle souhaite trouver chez son prochain client ou son prochain employeur, alors on a aussi gagné un temps fou, pour le bien de tout le monde.
Rétroliens/Pings